Devenir soi en psychothérapie

Au cœur de la démarche psychothérapeutique se trouve une question fondamentale, souvent implicite, qui anime la quête de toute personne en souffrance : comment devenir ou redevenir l'auteur de sa propre vie ? C'est ce cheminement intime et complexe que nous appelons le processus de subjectivation.

Il ne s'agit pas simplement de se sentir mieux, mais de se relier à soi-même, de réunir les morceaux de son histoire pour enfin se vivre comme un "Je" unifié et incarné.

Cet article, inspiré de mon mémoire de praticienne en psychothérapie et sophrologue, vous propose d'explorer ce processus essentiel, où le corps et la psyché dialoguent pour nous permettre d'advenir à nous-mêmes.

Qu'est-ce que la Subjectivation ?

Popularisé par des psychanalystes contemporains comme Steven Wainrib, le concept de subjectivation désigne le processus par lequel un être humain devient un sujet, capable de se penser et de se nommer comme tel. Loin d'être un état donné d'emblée, c'est une conquête permanente qui se joue à l'interface de notre monde intérieur et de nos relations aux autres. Elle comporte deux dimensions indissociables :

  1. Rendre subjectif : C'est le travail psychique permanent qui consiste à donner un sens propre à tout ce qui nous affecte : notre environnement, notre corps, et la relation entre les deux.
  2. Devenir sujet : C'est l'émergence d'une conscience de soi, d'une capacité à se reconnaître dans sa propre histoire et à s'approprier l'unité de son être à travers une activité de symbolisation (par la parole, l'art, etc.).

En psychothérapie, nous entendons la demande d'aide, au-delà du symptôme, comme l'expression d'un désir profond de (re)trouver un sens de soi, une place où cette appropriation peut avoir lieu.

L'intersubjectivité : naître au monde et à soi

Le sentiment de soi n'est pas inné ; il se construit. Dès les premiers instants de la vie, c'est la relation à l'autre, principalement la figure maternelle, qui organise notre structuration intrapsychique. Le bébé a besoin de la subjectivité de sa mère pour penser ses propres perceptions. Cette fonction, que le psychanalyste W.R. Bion nomme la "fonction alpha" dans son modèle du "contenant-contenu" (Aux sources de l'expérience 1979), est cruciale pour transformer les angoisses brutes du nourrisson en éléments représentables. C'est dans cet échange intersubjectif que s'enracine notre capacité à nous différencier.

Lorsque cette relation précoce est marquée par des défaillances, le processus de subjectivation est entravé.

C'est ce que j'ai pu observer en clinique, lors de mon stage au CHPG :

  • Chez Servane*, 15 ans, hospitalisée pour un état dépressif sévère. Sa mère, ayant souffert d'une dépression post-partum, n'a pu lui offrir la contenance nécessaire à sa naissance. Servane apparaît "vide", coupée de ses sensations, comme si son monde intérieur n'avait pu se construire faute d'un objet fiable et présent. Son "Je" semble désincarné.
  • Chez Tina*, 15 ans, souffrant d'anorexie, la défaillance est plus archaïque. Née avec une fente labiopalatine comme sa mère, elle fut nourrie par sonde, vivant des expériences buccales ambivalentes, entre plaisir et douleur. Son corps, en refusant de s'alimenter, exprime les défaillances d'un lien primaire, une difficulté à "digérer" son histoire et à s'en nourrir pour construire son identité.

Le rôle du corps et de la sophrologie

Sigmund Freud nous l'a enseigné dans son ouvrage Le Moi et le Ça : "Le Moi est avant tout un Moi corporel". Notre psychisme s'étaye sur nos sensations. C'est ce que Piera Aulagnier a exploré avec la notion de "pictogramme" (La violence de l'interprétation 1975), ces premières traces psychiques issues de l'expérience corporelle. De même, Françoise Dolto a montré l'importance de "L'image inconsciente du corps 1984" dans notre structuration. C'est pourquoi une approche qui allie la parole à une médiation corporelle comme la sophrologie est si pertinente.

Fondée par Alfonso Caycedo, la sophrologie permet de :

  • Réinvestir le corps : Par la relaxation et l'attention portée aux ressentis, la personne peut se réapproprier son schéma corporel, sentir ses limites, et se vivre comme un être unifié.
  • Faciliter la symbolisation : L'état de conscience modifié (sophroliminal) favorise l'émergence d'images, de fantasmes, de souvenirs. La mise en mots de ce vécu permet de relancer la capacité d'élaboration psychique.
  • Contenir l'angoisse : La pratique offre un cadre sécurisant pour apprivoiser des angoisses primitives (peur de la chute, de la liquéfaction) souvent matérialisées par des tensions corporelles profondes.

L'expérience clinique le confirme :

  • Pour Laure, future maman de 38 ans submergée par des angoisses nocturnes de suffocation, la sophrologie a permis de reconquérir une maîtrise corporelle et de réactiver sa capacité de fantasmatisation, jusqu'alors "somatisée".
  • Avec Tina, le travail sophrologique a servi d'étayage à son psychisme, lui permettant de "retisser une surface de pré-représentation" et de faire émerger l'émotion bloquée, notamment celle liée au deuil de son père.

Un travail pour la vie

Le processus de subjectivation s'initie à l'aube de notre existence, mais il est le travail de toute une vie. Chaque étape, chaque épreuve, chaque rencontre nous confronte à nouveau à cette nécessité de nous approprier notre histoire pour nous sentir exister pleinement.

La psychothérapie, enrichie par des outils comme la sophrologie, offre un espace privilégié pour cette (re)conquête de soi. Elle permet, dans le lien transférentiel, de rejouer et de réparer ce qui n'a pu s'inscrire harmonieusement, pour que le sujet puisse enfin advenir, en son nom propre. C'est permettre à l'être de développer ses capacités à vivre, en lien avec autrui, au sein de sa propre vie psychique.

*: Les prénoms ont été modifiés afin de préserver l'aspect confidentiel de ce travail.

FAQ – Devenir soi en psychothérapie

Qu’est-ce que la subjectivation en psychothérapie ?

La subjectivation est le processus par lequel une personne devient sujet de sa propre vie. En psychothérapie, elle permet de se relier à soi, de donner sens à son histoire et d’unifier corps et psyché.

Pourquoi le processus de subjectivation est-il important ?

Il ne s’agit pas seulement d’aller mieux, mais de se vivre comme un « Je » incarné. La subjectivation favorise l’autonomie psychique, la symbolisation et la capacité à entrer en relation.

Quel rôle joue le corps dans la subjectivation ?

Le corps est le socle de la construction psychique. Grâce à des approches comme la sophrologie, la personne peut réinvestir ses sensations, contenir l’angoisse et relancer sa capacité d’élaboration psychique.

Comment la psychothérapie aide-t-elle à devenir soi ?

La psychothérapie offre un espace sécurisé où se rejouent les manques précoces. Dans le lien transférentiel, le sujet peut réparer, symboliser et advenir à lui-même de manière unifiée.

Pour aller plus loin, lire aussi :

  • ⊕ VISITER (Sophrologie existentielle) : Sophrologie et transformation intérieure : réinvestir le corps

  • △ RECTIFIER (Psychothérapie et subjectivation) :Une posture psychothérapeutique au croisement de plusieurs langages

  • ⊙ TROUVER (Résonances symboliques, Jung) :La synchronicité : quand le hasard a un message pour vous

Bien à vous,

Rachel... Sur les Chemins de VITRIOL

Je suis Rachel Huber et je suis là pour vous aider
Quel que soit le chemin que vous empruntez, je suis ici pour vous guider à travers nos séances de sophrologie. Je vous propose une écoute attentive, une présence bienveillante et un soutien authentique, afin de vous aider à surmonter vos défis et à progresser avec confiance.

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Praticienne en psychothérapies, sophrologue, psychosomaticienne
Membre de l'équipe éditoriale de l'Espace Francophone Jungien
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